Livraison à domicile pour un centime au delà de 35 € d’achat sur Chatou, Montesson, Nanterre, Le Vésinet et Carrières sur Seine en choisissant le mode d'expédition "livraison locale"

Yv

http://lyvres.over-blog.com/

Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

13,00
Conseillé par
18 avril 2016

Que voici un roman étrange, à la fois drôle, un peu absurde dans ses personnages de deux Mamadou, pas crédible et en fait visionnaire et assez proche d'une certaine réalité, profondément moderne. Écrit en 1960/61 par un auteur marocain d'expression française, Driss Chraïbi (1926-2007), publié en 1961. Quelle belle idée de Denoël que de le reproposer au catalogue (dans la collection Empreinte).

Je disais que l'histoire n'était pas crédible, ce petit prof effacé, mal dans sa peau, quasi humilié par ses élèves qui se retrouve au plus haut poste de son pays et pourtant, un petit homme, sans programme qui promet de changer le monde, qui met des estrades partout où il va pour ne pas paraître petit, amoureux de sa femme au point d'en oublier ses fonctions, ... ça ne vous rappelle personne ? C'est un peu un condensé de nos politiques depuis quelques années, plus occupés par leur image que par leur tâche et surtout obnubilés par leur réélection pour divers motifs (besoin de pouvoir, de montrer qu'on est le meilleur, envie d'échapper à la prison, ...)

Je parlais également de modernité, certains passages en sont criants, on les croirait écrits il y a seulement quelques semaines : "Plus on est civilisé et moins on vit. On en arrive à perdre la notion de la vie et, face à la vie, on se sent de plus en plus seul, on devient un paria de la vie. Alors on se serre les coudes, on devient grégaire et social au sein d'une nation, d'une religion, d'une idéologie ou d'un système économique donnés. La plupart du temps, on n'est même pas conscient de cette solitude. On achète des meubles et on se marie. Le problème du logement, le problème du bifteck priment les problèmes de l'âme. Et on crée des enfants qui vivront dans un monde qui sera beaucoup plus dur que le nôtre, parce que notre monde est appelé à être unifié, c'est-à-dire planifié, total. Et nos enfants créeront leurs enfants appelés à vivre dans un monde encore plus dur et plus inhumain." (p.54/55) Et c'est loin d'être le seul, un peu comme si Driss Chraïbi avait été médium et avait deviné notre avenir ou bien, sans doute fut-il un grand observateur de son temps.

Conseillé par
31 mars 2016

Roman dense écrit en petit sur 530 pages, prévoyez un peu de temps pour aller jusqu'au bout. Ce sera mon unique bémol : une certaine longueur, - pour ne pas dire une longueur certaine ; vue la densité, j'aurais opté pour 350 pages, ce qui est déjà pas mal - ressentie plusieurs fois avant de reprendre la lecture et de retrouver tout ce qui en fait le charme. Parce que ce roman est bourré de charme : l'écriture est très belle, dynamique, vive, moderne, travaillée, de belles phrases longues, comme la suivante, un vrai style littéraire affirmé : "Jamais Max ne pardonna vraiment cet incident à ma mère. Pendant toute leur scolarité, il ne lui adressa pas une seule fois la parole. C'est seulement quand ils se retrouvèrent à Berlin, lui parce qu'il voulait échapper au service militaire et à ses parents, elle parce qu'elle voulait échapper à une maison vide où, pendant un mois, elle avait fait comme si elle pouvait vivre sans eux, qu'il l'accompagna de temps en temps, tellement elle paraissait perdue dans cette ville qui n'allait vraiment pas avec elle et où tout ce que, partout ailleurs dans le monde, on aurait eu la décence de cacher, comme les drogues, la saleté, le bruit, les vices, devenait soudain bien, où tout était bien d'une façon générale, ou pas, ou de la merde, ou pas, mais toujours acceptable d'une façon ou d'une autre, surtout d'une façon ou d'une autre, tellement débarrassé de toute valeur, de toute douleur, de tout, que ma mère devait se donner beaucoup de mal pour foutre sa vie en l'air." (p.42)

Mais aussi des imparfaits du subjonctif en veux-tu en voilà qui n'alourdissent pas le texte ni ne le rendent difficile, au contraire, ça fait un joli contraste avec la modernité dont je parlais plus haut, à ce propos, je me permets de saluer le travail de traduction mené par Pierre Deshusses qui a dû se régaler lui aussi.

Ce texte est à la fois sensible, émouvant, très détaillé et drôle et sans doute drôle par l'abondance de détails : cette femme qui est en phase terminale raconte à sa fille ce qui pour n'importe qui serait futile mais aussi bien sûr les grands événements de sa vie, les grandes rencontres. C'est une sorte de discours dit à toute vitesse. On peut se sentir saoulé parfois, groggy par le flot, débordé, mais on peut aussi se laisser gagner par l'enthousiasme et l'exubérance d'Anna qui raconte sa mère, par l'innocence de sa mère, comme si à l'approche de sa mort, icelle voulait tout raconter, rapidement, ne rien omettre. Et même en cas de débordement, on y revient après une pause car ce texte attire, aimante son lecteur.

Un beau personnage de femme qui doit se construire en opposition à des parents à la présence et aux personnalités fortes et encombrantes, qui doit oublier et faire oublier sa laideur, qui doit faire preuve d'une force de caractère peu commune.

Excellent premier roman d'une auteure à suivre.

28 portraits de constructeurs écolos

La Martinière

29,90
Conseillé par
31 mars 2016

En association avec le magazine La maison écologique, les éditions de la Martinière présentent cet ouvrage qui propose vingt-huit portraits de personnes qui se sont dit un jour : "Allez, je vais construire ma maison écolo." Dans toute la France, avec tous les matériaux, des constructions, des rénovations... il y en a pour tous les goûts. Du bois, de la pierre, de la paille, de la ouate de cellulose, du verre, du chanvre...

Je ne sais pas si un jour nous nous lancerons (dans l'auto-construction, sûrement pas, je connais mes limites) dans ce projet fou qui nous ferait tant plaisir, celui d'une maison à énergie positive, mais il est vrai que le chapitre "La maison moteur" a relancé mon envie. Fabrice Cardenti a construit le genre de maison qui nous plairait, lui en Ariège. Une maison autonome qui produit même de l'énergie pour recharger sa voiture électrique.

Les autres maison du livre sont très bien également, élégantes, allant d'un peu plus de 50 000 euros à plus de 300 000 euros, en fonction du lieu, de la superficie, des travaux à réaliser et des matériaux utilisés. Tous les constructeurs sont enthousiastes, positifs et donnent de bons conseils. Abondamment illustré de photos "avant-pendant-après", le livre est du genre facile d'accès, pratique et l'on se fait une idée rapidement des divers chantiers.

Un ouvrage extrêmement intéressant, à feuilleter ou à dévorer. Une enquête bien menée par les trois journalistes. En plus, en fin de volume, il y a un dossier intitulé Réaliser son rêve sans embûche avec des conseils ; un peu plus de quarante pages qui vont de l'idée encore embryonnaire au dépôt du permis de construire, des assurances indispensables et de la pose de la première pierre ou planche jusqu'à l'emménagement.

Une mine pour qui rêve d'auto-construire et pour ceux qui aiment simplement voir de belles maisons, écologiques, économes, bien intégrés dans leur environnement.

Conseillé par
31 mars 2016

Première enquête de Cato Kwong précise l'éditeur, je suppose donc qu'il y en aura d'autres. C'est toujours exaltant d'assister à la naissance d'un héros récurrent et de le voir évoluer ensuite de roman en roman. Bon, icelui, il va falloir qu'il s'étoffe un peu pour être crédible et vraiment à suivre. Le livre est long à démarrer, c'est lent malgré quelques bons passages ; il est difficile de s'intéresser à l'histoire, aux histoires qui se mêlent et aux personnages blasés, tristes et pas vraiment attirants. Des stéréotypes de flics de romans noirs pour ne pas dire des caricatures. On a l'impression que tous les malheurs du monde se concentrent à Hopetoun et que ce sont ces flics qui dégustent. Et puis, enfin, au moment où je ne l'attendais quasiment plus, un rebondissement (bon, page 138 quand même !) : et si c'était un début d'emballement du roman ?

Eh bien oui, à partir de là, il devient moins ennuyeux de suivre les aventures de Cato Kwong, même si je ne frôlerai jamais l'extase. C'est une intrigue classique, longue, qui n'a pas besoin de tous ces tours et détours, pas très bien écrite, les tentatives d'humour tombent à plat, les essais de langage familier pour les dialogues ne font pas mieux. Je me dis que l'auteur est trop prudent et qu'il hésitait à y aller franco, instillant de ci de là quelque touches d'humour ou d'argot. Mais lâche-toi Alan, laisse-toi aller ("pète un coup t'es tout bleu" disait Jacques Higelin) et tu verras que Cato n'en sera que meilleur !

Néanmoins, malgré mes remarques désagréables, je laisse une chance à Cato et je serai heureux de le retrouver pour une nouvelle aventure, histoire de savoir s'il a avancé. Et puis, je garde le meilleur pour la fin : Alan Carter installe son histoire dans l'Australie profonde, celle qui voit les travailleurs étrangers arriver en masse avec les haines et les rivalités que cela crée : "Le groupe orange était pour l'essentiel composé d'Anglo-Saxons. Le jaune comptait des Maoris, des Philippins, des Indiens, des Chinois et des Africains -plus quelques rouquins genre Écossais qui semblaient ne faire allégeance qu'à eux-mêmes." (p.83). L'Australie, pays qui fait tant rêver en ce moment n'est pas épargnée par le racisme et le repli sur soi. Ce pan du roman est bien vu, même s'il est un peu léger, et c'est essentiellement pour cela que pour moi, Cato a une deuxième chance.

Conseillé par
31 mars 2016

Boris Dokmak est l'auteur de l'excellent "Les Amazoniques" que j'ai eu l'honneur de chroniquer ici. Je risque de ne pas me renouveler en parlant de ce nouveau roman tant il est foisonnant, dense et passionnant. Je ne sais lequel des deux a été écrit le premier puisque La mécanique générale est la maison d'édition de poche de Ring, mais peu importe, la bonne nouvelle, c'est que "La femme qui valait trois milliards" est disponible à moins de dix euros, comme quoi on n'est pas à une contradiction près.

Je ne sais pas trop par où commencer ma recension, le roman est tellement dense, volumineux, il aborde tellement de points divers et variés que je crains d'être très en-dessous de mon engouement véritable. Tenez-vous bien : 758 pages ! Les 500 premières sont très bien, sans temps mort même lorsque l'auteur approfondit des points philosophiques, anatomiques ; il le fait à fond, ne laisse rien au hasard, aborde également les techniques d'embaumement, l'autopsie. C'est absolument fou, démesuré, gigantesque. Ces pages mettent en place l'histoire, permettent de faire connaissance avec les personnages (curieusement, le Lieutenant Borluut, l'un des héros ne bénéficie pas d'une biographie très longue, contrairement à d'autres intervenants moins présents). Les 250 dernières pages sont captivantes et je préfère vous prévenir, il est impossible de les lâcher. Tout se coupe, se recoupe et s'explique, mais Boris Dokmak prend son temps pour nous raconter encore les détails, les tours et détours de son histoire.

De la littérature avec du souffle, du polar à l'américaine, façon années 50/60 et même si l'histoire se déroule en 2023, rien n'est vraiment du futur, mais cela permet de parler de personnages actuels comme s'ils n'étaient plus là ou avaient quitté leurs fonctions, par exemple Paris Hilton, héroïne -non, non, il n'y a pas d'allusion- de ce polar bien malgré elle. Drogue, sexe, alcool, fêtes grandioses et décadentes chez les riches jeunes gens désœuvrés, le privé blasé, le père arrogant et plein d'argent, tous les ingrédients sont là pour faire un polar étasunien, mais Boris Dokmak y insère également un flic belge, des méthodes européennes et son roman devient international, d'autant plus qu'Almayer et Borluut voyagent aux quatre coins de la planète.

Belle maîtrise de la langue française, entre phrases longues, construites, néologismes, notions techniques et philosophiques s'éloignant parfois de la réalité apportées simplement, dialogues très terre-à-terre, familiers, des envolées -parfois lyriques- mais aussi du "vécu" avec Paris Hilton même si j'imagine que pas mal de ses faits et gestes sont inventés -j'avoue mon inculture en la matière. Pas mal d'ailleurs cette idée de prendre un personnage public pour en faire autre chose que ce qu'elle veut bien montrer.

Un polar inoubliable. La quintessence du polar, un truc encore jamais lu et franchement enthousiasmant. Voulez-vous une preuve ? Oui ? Ah la la, vous ne me croyez pas sur écrit... c'est pas bien. Eh bien, ma preuve irréfutable, évidente et imparable : j'ai lu ces 758 pages en quelques jours, totalement scotché ! Moi, lire 758 pages, sans renâcler, la dernière fois que ça m'est arrivé, pfff... j'ai la mémoire qui flanche tellement c'est loin.